Alors que la situation de Travailleur Isolé concerne de plus en plus d’entreprises, il n’existe aujourd’hui pas de définition légale. Vous avez certainement consulté plusieurs sites Internet et vous avez pu constater un certain flou sur les obligations légales de l’employeur, voire certaines interprétations erronées. Nous avons fait une synthèse en 4 points dans cet article pour vous aider dans votre analyse.
Quelle est la définition du Travailleur Isolé selon le Code du Travail ?
La définition du travailleur isolé a été précisée par l’arrêt de la Cour de Cassation 2008, “qu’un salarié qui travaille dans un lieu où il est seul doit être considéré comme isolé s’il n’est pas à portée de vue et de l’ouïe d’autrui.” . Cette caractérisation est fondamentale pour évaluer les conditions de travail.
Les recommandations R 416 et R 252 de la CNAMTS s’alignent sur cette définition tout en ajoutant une restriction concernant les travaux dangereux. Cependant, l’expérience démontre que même dans une situation de travail sans danger apparent, un travailleur isolé peut se retrouver en difficulté grave s’il subit un malaise.
Il est important de noter que ces recommandations, bien que largement citées comme principes généraux, ont une portée sectorielle spécifique. Elles ont été adoptées uniquement par deux comités techniques nationaux :
- Celui des industries du bois, ameublement, papier et carton, textile, vêtements, cuirs et peaux, pierres et terres à feu (R 416) en 2004
- Celui des industries du bâtiment et des travaux publics (R 252) en 1986
L’analyse des conditions de travail pour un travailleur isolé doit donc prendre en compte non seulement la dangerosité de la tâche, mais aussi le fait d’être hors de vue et hors de voix de ses collègues.
Obligation générale de sécurité et obligation d’organiser les secours
Dans le cadre de son obligation de sécurité, et en l’absence de réglementation spécifique, les principes généraux de prévention du Code du travail (Art L4121-1 à L4121-3) s’imposent. L’employeur est tenu de mettre en place un Dispositif d’Alarme pour Travailleur Isolé DATI comme l’une des mesures de prévention essentielles pour protéger la santé des salariés isolés, notamment en permettant le déclenchement d’une alerte en cas d’incapacité du travailleur à réagir.
Cependant, de nombreuses entreprises se concentrent uniquement sur l’aspect technologique du DATI, négligeant la composante “réponse d’urgence” post-alerte. Cette approche est insuffisante au regard de l’article R4224-16, car l’évaluation des risques démontre que l’employeur est tenu également d’assurer “les mesures nécessaires pour les premiers secours aux accidentés et aux malades”. Ces obligations doivent être consignées dans le document unique de l’entreprise.
En résumé, l’employeur a donc deux obligations : alerte + secours.
Quelles mesure de protection existent ?
En matière de protection travailleur isolé, les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail imposent à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
La protection individuelle doit être considérée comme le dernier recours, après la mise en place de protections collectives, conformément aux principes généraux de prévention. Le dispositif d’alarme pour travailleur isolé (DATI) constitue un élément essentiel de la protection travailleur isolé. Bien qu’il ne soit pas spécifiquement encadré par une norme unique, l’article R4543-19 du Code du travail stipule qu’un travailleur isolé doit pouvoir signaler toute situation de détresse et être secouru dans les meilleurs délais.
Pour les travaux en hauteur, l’arrêté du 19 mars 1993 établit la liste des équipements de protection individuelle (EPI) soumis aux vérifications périodiques, notamment les systèmes d’arrêt de chute. Les recommandations R.430 et R.431 de la CNAM (anciennement CNAMTS) précisent les obligations techniques relatives aux dispositifs de protection contre les chutes de hauteur.
Travailleur isolé Code du travail : conséquences
L’arrêt de la Cour de Cassation 2008 figure parmi les plus récents sur le sujet et est surtout très explicite dans l’analyse.
Suite au décès d’un technicien frigoriste, la Cour de Cassation a confirmé le jugement initial, rejetant de fait les arguments tels que «les nombreuses personnes travaillaient à proximité du lieu de l’accident, qu’elles étaient au courant de la présence du salarié dans la chambre froide, dont la porte était entrouverte, et que ce dernier possédait un téléphone portable» et concluant que «la victime ne pouvait espérer qu’un secours aléatoire en cas d’accident». Le chef d’entreprise a été condamné pour homicide involontaire.
Les arrêts du 3 novembre 1998 (pourvoi 97-85236) et 5 décembre 2000 (pourvoi 00-82108), fréquemment cités sur les sites internet, ont certes un lien avec le sujet mais portent plus sur l’obligation générale de sécurité de l’employeur, voire de simples points de droit.
Quels travaux sont interdits aux isolés ?
Les travaux interdits en situation de travail isolé sont définis par plusieurs textes réglementaires.
L’article R4323-61 du Code du travail stipule que lorsqu’un système d’arrêt de chute individuel est utilisé, un travailleur ne doit jamais rester seul, afin de pouvoir être secouru dans un délai compatible avec la préservation de sa santé.
L’arrêté du 19 mars 1993 fixe effectivement une liste de travaux dangereux, mais il ne mentionne pas spécifiquement l’interdiction du travail isolé.
L’article R4541-9 du Code du travail définit des seuils de masse pour la manutention manuelle. Un travailleur ne peut porter de façon habituelle des charges supérieures à 55 kg qu’à condition d’y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que ces charges puissent être supérieures à 105 kg. Les femmes ne sont pas autorisées à porter des charges supérieures à 25 kg ou à transporter des charges à l’aide d’une brouette supérieures à 40 kg, brouette comprise.
L’article R4412-22 du Code du travail stipule que lors de travaux dans des espaces confinés exposant à des gaz délétères, “les travailleurs sont attachés ou protégés par un autre dispositif de sécurité”.
La recommandation R416 de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) définit le travail isolé comme une situation où le travailleur est hors de vue ou de portée de voix d’autres personnes et sans possibilité de recours extérieur.
L’employeur a l’obligation d’identifier, de répertorier et d’analyser chaque situation de travail isolé dans le cadre de l’évaluation des risques professionnels, qui doit être retranscrite dans le document unique.
Il est important de noter que la réglementation met l’accent sur la prévention des risques et la mise en place de mesures de sécurité adaptées, plutôt que sur une interdiction générale du travail isolé.
Etat de l’art
Face à ces obligations légales assez générales, connaître les standards du marché du PTI, permet à l’entreprise d’évaluer le niveau attendu de la solution à mettre en place.
Aujourd’hui, ce que nous définirions comme un standard du marché :
- Une solution simple d’utilisation et peu contraignante pour le collaborateur,
- La capacité de déclencher une alerte en toute circonstance et de gérer le cas, récurrent dans de nombreux métiers, des situations hors réseau GSM (alertes hors GSM),
- Géolocalisation précise, en extérieur comme à l’intérieur d’un bâtiment. La géolocalisation indoor se démocratise aujourd’hui, les objets connectés ayant définitivement supplanté les technologies radio et Wifi.
- La réponse d’urgence 24h/24 par un plateau d’assistance ou télésurveilleur pour le traitement professionnel des alertes.
Quels risques pour la santé des isolés ?
Les risques professionnels liés au travail isolé font l’objet d’une attention particulière dans le Code du travail, notamment à travers les articles L4121-1 à L4121-3 qui imposent à l’employeur d’assurer la protection de la santé physique et mentale des travailleurs. L’isolement constitue un facteur aggravant qui peut transformer un incident mineur en accident grave.
Les accidents du travail concernant les travailleurs isolés présentent des caractéristiques spécifiques, comme le souligne la jurisprudence de la Cour de Cassation (Arrêt 2008). L’absence d’assistance immédiate peut en effet aggraver considérablement les conséquences d’une chute, d’un malaise ou d’une blessure. La prévention des risques doit donc intégrer cette dimension particulière dans l’évaluation des dangers.
Au-delà des risques physiques, les conditions d’isolement génèrent des facteurs psychosociaux significatifs. Le stress et l’anxiété sont reconnus par l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) comme des risques majeurs pour ces travailleurs. Ces troubles psychosociaux, mentionnés dans la circulaire DGT 2014/13 du 28 juillet 2014, doivent faire l’objet d’une évaluation spécifique dans le document unique.
La réglementation impose donc une approche globale de la prévention des risques, prenant en compte tant les aspects physiques que psychologiques de la santé physique et mentale des travailleurs isolés. Cette obligation découle directement des principes généraux de prévention énoncés à l’article L4121-2 du Code du travail.
Rien n’est donc plus simple aujourd’hui pour une entreprise de mettre en place une solution PTI Sécurité, qui le plus souvent prend la forme d’une simple application mobile sur le smartphone du collaborateur. Mais la simple application ou même montre PTI DATI envoyant des messages d’alertes à d’autres collègues, ne répond au final qu’à une petite partie de ces obligations légales.
Comment signaler une situation de détresse ?
La capacité de pouvoir signaler une situation de détresse constitue un élément fondamental de la protection des travailleurs isolés. Les dispositifs d’alerte doivent permettre une détection rapide des incidents et garantir que le travailleur soit secouru à bref délai.
Le déclenchement d’une alerte peut s’effectuer de deux manières : soit manuellement par le travailleur lui-même (bouton d’urgence, dispositif PTI/DATI), soit automatiquement en cas de détection d’une situation anormale (détecteur de chute, perte de verticalité, absence de mouvement).
L’efficacité du dispositif repose sur l’organisation de l’intervention. Un protocole précis doit définir :
- La réception et le traitement des alertes
- La chaîne de communication
- Les moyens d’accès au travailleur
- L’organisation des secours
Cette procédure d’alerte et d’intervention doit être testée régulièrement pour garantir son efficacité et permettre d’être secouru à bref délai en toutes circonstances.
Mes conseils pour réussir votre projet PTI DATI
- Ne pas en rester à l’aspect technologique, application mobile ou équipement. Les obligations de l’employeur concernent l’alerte et la réponse d’urgence.
- Le chef d’entreprise est pénalement responsable et passible d’une condamnation pour homicide involontaire.